Le 5 août 1392, Yi Sŏng-gye monte sur le trône sous le nom de Taejo. C’est le premier roi de la dynastie Yi qui portera dès l’année suivante le nom officiel de Joseon.
Le roi Yi Sŏng-gye
Ce roi, actif et autoritaire, fut à l’origine de ce que l’on peut appeler la renaissance coréenne. Il aspire tout d’abord à normaliser les relations avec la Chine des Ming. Afin que ces derniers le reconnaissent comme souverain, Taejo doit changer le nom du pays qui devient officiellement Joseon (que l’on devrait traduire par « pays du matin frais » et non « pays du matin calme« ). Il déplace la capitale à Hanyang (actuelle Séoul) afin d’assainir le climat politique. Taejo qui était un adepte du néo-confucianisme renforce le climat intellectuel antibouddhiste de l’époque. Pour assurer à l’Etat une base économique et financière, il réduit le nombre de monastères et le nombre de moines. Il confisque de nombreuses terres du clergé pour les redistribuer aux fonctionnaires. La nouvelle dynastie s’affirme comme une puissance souveraine et administrative. Elle s’appuie sur ses cinquante-cinq vassaux présents lors du conseil royal. Ils établissent un code d’administration en 1394, le Joseon Kyônggukchôn.
Le fils de Yi Sông-gye,Taejong, renforce l’autorité de la dynastie et proclame des réformes visant à éliminer les fonctionnaires corrompus issus de la précédente dynastie. La société est à cette époque fortement hierarchisée. La population composant la classe supérieure est appelée Yangban, comme déjà sous Goryô. Elle était composée de hauts fonctionnaires civils et militaires qui représentaient environ 10% de la population. La classe moyenne, la plus importante en nombre représente environ 50% de la population, elle était composée pour l’essentiel d’agriculteurs, de commerçants, d’artisans et d’employés. Enfin les esclaves et domestiques complétaient le reste.
Le règne du roi Sejong [1418~1450]
A l’abdication de son père, Sejong monte sur le trône. Il a alors 22 ans. Son règne va durer 32 ans et être le plus brillant de toute l’Histoire de Corée. C’est au cours de son règne que le régime devient une véritable monarchie absolue. C’est lui qui met en place les institutions économiques, politiques, sociales et idéologiques qui vont régir la Corée pendant des siècles. Dans le domaine de la politique extérieure, la Corée accepte son rôle de vassal de la Chine et un tribut annuel est envoyé à Pékin. Ainsi, les relations avec les Ming sont enfin normalisées et apaisées. Les relations avec le Japon se stabilisent en 1443, quelques années après l’expédition coréenne contre le repaire pirate des Wakô basé sur l’île de Tsushima.
Le néo-confucianisme de Zhu Xi devient l’idéologie nationale et la base de la justice et de l’administration du royaume. La mise en place de centres de recherche royaux comme le Jib hyeon-jeon et le Heum gyeong-gak permet le développement culturel et scientifique du pays. En 1434, le roi promulgue un décret dans lequel il demande à son administration de rechercher « les hommes de savoir et de sophistication, qu’ils soient ou non de noble naissance, afin de les encourager à apprendre à lire au peuple, même aux femmes et aux filles ». Ce décret aboutit en 1446 au Hunmin chôngûm (littéralement « Sons corrects pour l’instruction du peuple« ) qui est sans aucun doute son plus grand titre de gloire. Il s’agit d’un alphabet composé de 24 signes communément appelé aujourd’hui Hangul.
La guerre Imjin [1592~1598]
Toyotomi Hideyoshi (1536-1598) achève l’unification du Japon en 1590. Il envisage alors de porter sa puissance au-delà des mers et de faire entendre au monde sa devise « L’ordre regnera sur terre par la force militaire« . Si c’est d’abord son ambition qui le pousse à partir à la conquète de la Chine c’est bien la raison qui lui dicte d’envoyer sa puissante armée à l’étranger, lui laissant libre champs pour assoir son autorité sur l’ensemble de l’archipel Nippon. En 1587 déjà, Hideyoshi avait envoyé une première ambassade en Corée et proposé une alliance visant à conquérir l’empire du Milieu. En 1590, le roi Sonjo en est encore à se demander si la menace d’invasion est bien réele. Mal conseillé il ne juge pas nécessaire de préparer son armée. Il faut bien garder à l’esprit que la nation coréenne toute entière était organisée selon les préceptes confucianistes qui rejetaient la guerre comme l’indique la doctrine, « préparer la guerre c’est la vouloir ». Cependant un homme va devancer les évènements et prendre les décisions qui s’imposent. Le ministre Yu Song-nyong, membre de la faction Sud (Namin) fait ériger des murs de défenses autour des principales villes du pays et nomme l’amiral Yi Sun-Shin à la tête de l’armée navale. Ce faisant, les autorités militaires sont confrontées à un problème crucial. Puisqu’il était possible de s’exonerer du service militaire par l’acquitement d’une taxe, peut d’homme se retrouvait finalement au service de l’état. Faute de mieux, des milices paysannes sont entraînées et armées.
Première invasion
Lassé des tergiversations du roi Sonjo, Hideoyoshi donne l’ordre d’attaquer la Corée. Le premier contingeant, dirigé par le commandant Konishi Yukinaga se lance à l’assaut de la ville portuaire de Busan le 23 mai 1592. L’effet de surprise et le manque de préparation forteresse tombe colonel Jeong Pal (정발) est tué d’une balle, premier gradé a tomber tout sa garnison est massacrée par les forces d’invasion. sont particulièrement bien préparéesaidées en cela par les portugais présent Jesuites portugais Gaspar Coelho qui offre son assistance.
Le 23 mai, 700 navires débarquent à Busan les troupes de Konishi. Le gouverneur de la ville qui était sorti le matin chasser au faucon voit arriver la flotte d’invasion. Tous les défenseurs meurent au combat.
Le 12 juin 1592, Konishi qui a pris de vitesse son rival Katô entre le premier dans Séoul. Les troupes de Kuroda arrivent dans la capitale le 16 juin. Elles ont suivi la route occidentale, infligeant sur leur chemin de lourdes pertes aux coréens. Si l’armée de terre coréenne faisait piètre figure, la marine de guerre, au contraire, était de premier ordre et avait la chance d’avoir un chef prestigieux : l’amiral Yi Sun-sin (1545-1598). Ce dernier avait mis au point un navire de guerre d’un type nouveau : le “bateau-tortue” (Kôbuksôn), entièrement fermé par un pont arrondi recouvert de plaques de blindage et hérissé de piquant pour éviter l’abordage.
Après une première phase de “guerre éclair” couronnée par la prise de Séoul, les choses devinrent moins faciles pour les Japonais. Une fois passé le premier moment de panique, les troupes coréennes s’étaient ressaisies, partout la résistance s’organisait.
La présence de troupes japonaises sur les rives du Yalou et du Toumen représentait une menace pour l’empire du Milieu et c’est ce qui décida les Chinois à intervenir. Hideyoshi ne semblait pas avoir prévu que la Chine réagirait vigoureusement, mais Konishi sentit le danger et essaya de négocier et obtint une trêve. Pendant ce temps, l’amiral Yi Sun-sin faisait subir à la marine japonaise revers sur revers. A l’intérieur du pays, la résistance s’organisait et de petites unités régulières se reconstituaient. En 1593, les pertes japonaises représentaient le tiers des effectifs engagés.
A l’expiration de la trêve, une puissante armée chinoise franchit le Yalou et se présenta devant Pyôngyang. Les 20 000 hommes de Konishi subirent une attaque d’au moins 50 000 Chinois. Après négociations, l’armée japonaise se retira, laissant tout de même une puissante arrière-garde concentrée autour de Busan.
Seconde invasion
Le 19 mars 1597, Hideyoshi fit débarquer à Busan un nouveau corps expéditionnaire de 100 000 hommes, ce qui portait à 150 000 hommes les forces japonaises en Corée. A l’appel des Coréens, une nouvelle armée chinoise franchit le Yalou.
La guerre aurait pu durer encore longtemps mais la mort de Hideyoshi le 18 septembre 1598 vint y mettre fin. Les Japonais n’avaient plus de raison de rester en Corée et retirèrent rapidement toutes leurs forces.
Même si le Japon n’avait pas atteint son objectif qui était la conquête de la Chine, il se tira de cette guerre sans grandes pertes et avec même des avantages. Ses soldats ramenèrent au Japon des potiers coréens qui furent à l’origine du renouveau de la céramique japonaise. Ils emportèrent dans leurs fourgons de grandes quantités d’ouvrages chinois et coréens. Le lettré Kang Hang, prisonnier des Japonais, introduisit le néo-confucianisme au Japon. Les Japonais rapportèrent également de leurs campagnes dans la péninsule la technique de l’imprimerie.
Alors que la Corée se relevait tant bien que mal des désastres de l’invasion japonaise, 25 ans à peine après cette catastrophe nationale, un nouveau fléau allait s’abattre sur le pays : les invasions mandchoues.
Les Invasions Mandchoues
Première invasion mandchoue
En 1627, une armée mandchoue franchit le Yalou. En dépit de la résistance coréenne, les Mandchous s’emparent de Séoul. Un traité est signé en 1627. La Corée accepte la suzeraineté des Mandchous. En 1632, une ambassade Mandchoue vient réclamer un lourd tribut. En 1636, déterminée à reprendre le combat contre les envahisseurs, la Corée refoule une nouvelle ambassade manchoue et lui remet une déclaration de guerre.
Deuxième invasion mandchoue
Le 4 janvier 1637, une importante armée mandchoue comprenant des contingents chinois et mongols franchit le Yalou.
Le 27 janvier 1637, l’empereur Abahai en personne arrive au quartier général des troupes mandchoues qui assiègent Namhansansông. Le roi était résolu à se défendre jusqu’au bout, mais une nouvelle vint le faire changer d’avis : les Mandchoues avaient pris Kanghwa, la Cour et toute la famille royale étaient retenues en otages. Il n’avait plus qu’une solution : se rendre.
La Corée après les invasions
La Corée ne s’est jamais relevée du double choc des invasions japonaises et mandchoue. Les rois se succèdent, mais le pays stagne, replié sur lui-même. (voir « mémoire d’une reine de Corée », par Dame Hong, épouse du prince héritier qui devait devenir le 22eme roi de la dynastie Yi).
La Corée devient le «Royaume Ermite» dont on commence à parler en Occident, mais que personne n’a encore visité à l’exception du jésuite portugais Gregorio de Cespedes qui, en 1592, accompagna les troupes japonaises en qualité d’aumônier militaire. La Corée s’isole du monde. Ordre est donné aux fonctionnaires des zones littorales de refouler tout étranger. Les terres des côtes sont volontairement laissées en friche pour donner au pays un aspect peu engageant. La Corée n’a que des relations espacées avec le Japon. C’est seulement avec son suzerain, la Chine que les échanges d’ambassades sont réguliers.
Tous les coréens étaient loin d’être résignés, soumis et passifs. Depuis l’échec patent du néo-confucianisme, beaucoup de personnes dotés de sens civique et désireuses de donner au pays une orientation nouvelle se regroupaient. Ainsi trois courants de pensées nés de la critique du néo-confucianisme et de l’esprit conservateur des Yangban apparurent : le sirhak, le tonghak et le catholicisme. Le sirhak
C’est lui qui le premier aborde les thèmes qui deviendront les constantes du sirhak : fin de l’isolationnisme et développement du commerce avec l’étranger, éloge des « troupes de la justice » qui ont su défendre la patrie. Le sirhak se développa de 1650 à 1750 avec comme figures dominantes Yu Hyông-wôn et Yi-ik. L’apogée du sirhak se situe entre 1750 et 1850. Pendant cette période, le sirhak devient le principal courant de la vie intellectuelle de l’époque. Il est une source de créativité dans tous les domaines : classiques, littérature, géographie, sciences naturelles…
Le tonghak
Le Tonghak, savoir de l’Orient, est une religion purement coréenne dont le fondateur est Ch’oe che-u (1824-1864). En 1860, il a la révélation et commence à prêcher la religion nouvelle qui lui a été communiquée. Son activité et le nombre grandissant de fidèles inquiètent les autorités. Il est arrêté en décembre 1863 et exécuté l’année suivante Cette religion est un mélange de néo-confucianisme et de taoïsme. C’est l’adoration du Ciel qui assure l’harmonie de la Nature. On y trouve également des éléments empruntés au Chamanisme.
Le catholicisme
En 1792, le pape confie officiellement l’Église de Corée au diocèse de Pékin. En 1794, un prêtre catholique chinois, le père Zhou Wen-mu s’introduit en Corée; Pour la première fois, les coréens reçoivent les sacrements. Un groupe de lettrés coréens, après en avoir étudié minutieusement les principes, décida d’adopter cette religion. Elle ne fut imposer par aucune puissance extérieure, fait assez rare pour être souligné. Ce furent effectivement les coréens qui demandèrent au diocèse de Pékin l’envoi de missionnaires. Mais l’ouverture de la Corée vers l’extérieur n’en est encore qu’ a ses premiers balbutiemments et en 1801, la faction anti-catholique de la Cour qui bénéficie de l’appuie de la reine mère déclenche les persécutions. Le catholicisme est alors considéré comme une doctrine dangereuse qui menace l’État.
En 1831, le pape décide que la Corée ne fait plus partie du diocèse de Pékin et en fait un diocèse indépendant. Les Missions étrangères de Paris se préparent à envoyer des missionaires en Corée. Le premier à s’infiltrer en Corée est le père Philibert Maubant. Malgré la clandestinité et les conditions difficiles, les conversions se poursuivent.
En 1838, l’Église de Corée compte déjà 9 000 fidèles. L’année suivante les persécutions reprennent; Trois prètres français sont décapités près de Séoul. L’arrivée en 1846 de trois navires français exigeant des comptes au roi après l’exécution des prètres français symbolise l’irruption des puissances étrangères en Corée.
La culture de la dynastie des Yi
Malgré toutes les épreuves internes et les invasions étrangères, la dynastie des Yi se distingue par une culture très riche, aussi bien dans le domaine de la littérature que dans celui des beaux-arts. C’est au cours de cette époque que s’affirme le genre poétique apparu à la fin de Goryeo : le Sijo. Une autre caractèristique importante de la littérature de la dynastie des Yi est l’apparition de romans écrits en langue coréenne. Le premier d’entre eux est le Hong Kilttong chôn dont l’auteur est Hô Kyun (1569-1618). C’est avec Kim Man-jung (1637-1672) que le roman coréen classique arrive à son zénith.
Kim est l’auteur de deux chefs-d’oeuvre : Le rêve des neuf nuages (Ku unmong) et Le récit du voyage de Dame Sa (sassi namjông ki). Ecrire un roman était un moyen plus efficace et surtout moins dangereux qu’un mémoire adressé au roi qui, s’il provoquait l’ire du souverain, pouvait provoquer la destitution et le bannissement de son auteur. C’est ainsi qu’est anonyme l’auteur du roman que les coréens considèrent non seulement comme le plus grand roman classique mais aussi comme le plus grand de toute leur littérature : L’histoire de Ch’unhyang (Ch’unhyang chôn). Ch’unhyang chôn et d’autres romans célèbres ont donné naissance à un théâtre populaire nommé Pansori (récit chanté). C’est une sorte d’opéra à deux personnages, le kwangdae qui est le récitant et son accompagnateur qui rythme le récit en frappant sur un tambour en l’encourageant de la voix.
Les beaux-arts sont essentiellement représentés par la peinture. La dynastie des Yi se caractèrise par une école réaliste qui nous a laissé des portraits de lettrés célèbres ou d’hommes d’État et des paysages d’une grande beauté comme ceux peints par Kim Tûk-sin (1754-1822) et Chông Sôn (1676-1759). Alors que certaines peintures chinoises sont presque de l’art abstrait, avec seulement des fragments de paysages émergeant de nuages ou de nappes de brouillard, la peinture coréenne est solidement ancrée dans la réalité. Un autre style remarquable à cette période est la peinture de genre, surtout représentée par Kim Honh-do (1760-?) et Sin Yun-bok (1758-?).
La dynastie des Yi ne nous a pas laissé des céramiques aussi splendides que les céladons de Goryeo dont le secret de fabrication s’est perdu. Elle est essentiellement caractérisée par la céramique blanche plus sobre et plus utilitaire : plats, pots, cruches…
Si l’architecture de Goryeo était essentiellement religieuse, celle de la dynastie des Yi est une architecture civile. Elle est pour l’essentiel concentrée sur Séoul avec les palais royaux de Tôksu, Ch’anggyông, Changdok et le «jardin secret». De style typiquement chinois, elle n’a pas la grandeur des palais impériaux de Pékin ou de Kyoto, mais c’est peut-être son caractère plus humain qui nous la rend plus proche.
Leave A Comment